Sous l’impulsion des députés Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte, la proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux a été adoptée par l’Assemblée nationale le 30 mars dernier.
Alors que le secteur du marketing d’influence devrait peser près de 21,1 milliards de dollars en 2023, le législateur s’est (enfin) emparé de sa régulation. Jusqu’à présent, ce dernier se livrait à une application distributive des différents statuts juridiques existants. Tantôt mannequin, tantôt artiste-interprète, le créateur de contenu ne faisait l’objet d’aucune législation qui lui était propre – si ce n’est la loi « Enfants influenceurs », qui ne concerne que les plus jeunes d’entre eux.
Mais alors, quelles sont les nouvelles règles auxquelles sont soumis les influenceurs ?
Avant toute chose, le législateur s’est attelé à définir juridiquement le créateur de contenu. Qu’il s’agisse d’un individu ou d’une entité, un influenceur “mobilise sa notoriété pour communiquer au public par voie électronique des contenus visant à faire la promotion directement ou indirectement de biens, de services ou d’une cause quelconque, en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature” (Art. 1er de la proposition de loi).
À ce titre, les créateurs de contenu, leurs agents ainsi que les annonceurs devront désormais conclure des contrats écrits. En leur sein, plusieurs clauses seront obligatoires : nature des missions confiées à l’influenceur, modalités de rémunération, soumission au droit français dès lors qu’est visée une communauté en France, etc. En tout état de cause, la mention “Partenariat rémunéré” doit obligatoirement figurer sur le contenu.
En cas d’indemnisation pour manquement au contrat, l’annonceur et le créateur de contenu seront solidairement responsables.
Aussi, bien que l’exploitation commerciale de l’image d'enfants de moins de 16 ans était d’ores et déjà encadrée sur les plateformes de partage de vidéos, elle sera désormais étendue à tous les réseaux sociaux.
D’autres mesures spécifiques viennent également renforcer la protection des jeunes influenceurs. D’une part, ils ne pourront pas signer de contrat avec un annonceur, sans l'accord de leurs parents. D’autre part, ces derniers devront consigner une part des revenus de leur enfant.
Les plateformes en ligne ne sont pas en reste et leurs obligations sont renforcées. TikTok ou encore Instagram devront établir des mécanismes permettant de signaler les contenus manifestement illicites et les retirer dans les plus brefs délais.
La proposition de loi ne se résume pas à définir ce qu’est un créateur de contenu. Elle rappelle également que les influenceurs sont soumis à la réglementation déjà en vigueur, notamment la loi Évin en matière d'alcool et de tabac ou encore les dispositions relatives aux médicaments, dispositifs médicaux et compléments alimentaires.
Mais surtout, le législateur a sonné le glas de certaines publicités. À commencer par celles promouvant les opérations chirurgicales (y compris esthétiques), la cryptomonnaie ou encore la contrefaçon.
Bien qu’elle n’ait pas été interdite, la publicité relative aux jeux d'argent et de hasard a été limitée aux plateformes permettant d’exclure les mineurs de l’audience visée. Sans oublier l’obligation d’afficher un bandeau informatif durant l’intégralité des promotions.
En matière d’alimentation, le fameux Nutriscore devra figurer sur le contenu et les enfants influenceurs ne pourront pas faire la promotion de boissons et aliments trop sucrés, salés, gras ou édulcorés.
Autre nouveauté et non des moindres : les photos ou vidéos modifiées, notamment par le biais de filtres altérant la silhouette ou le visage, devront indiquer la mention « Images retouchées » (particulièrement si cela venait à tromper le consommateur sur le résultat ou la performance d’un service/produit). Tout manquement à cette obligation engendrera une sanction financière pouvant aller jusqu’à 37 500 euros.
Les réseaux sociaux devront quant à eux permettre aux utilisateurs de signaler un contenu dont ils considèrent qu’il a fait l’objet d’une modification.
Ainsi, à l’instar de la Norvège et du Royaume-Uni, la France insuffle un vent de transparence. Pour en savoir plus, téléchargez le guide sur le "décret Photoshop".
Si un créateur de contenu ne respecte pas les interdictions et obligations prévues par la proposition de loi, il s’expose alors à de lourdes sanctions : une peine de deux ans d’emprisonnement, une amende (jusqu’à 300 000 euros) ainsi qu’une interdiction d’exercice de l’influence commerciale.
Afin d’informer les influenceurs sur leurs droits et devoirs, un guide de bonne conduite est disponible en ligne. En parallèle, une brigade de 15 agents a été créée au sein de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), chargée de contrôler le secteur.
Enfin, un label « Relations influenceurs responsables » a également vu le jour. Ses tenants et aboutissants seront prochainement définis par décret.
Dans cette attente, bien que l’Assemblée nationale ait adopté à l'unanimité en première lecture la proposition de loi, elle doit encore être examinée par le Sénat.
Lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, que retenir de la loi du 9 juin 2023 ?
Adel Mauger - Influencer Campaign Manager @ Reech