Par Arthur Brenac, Creative Strategist Junior
En ces temps de crise sanitaire, chacun se doit de rester chez soi et de limiter ses contacts humains le temps du confinement et peut-être au delà… Mais cela ne veut pas dire que le Covid-19 aura eu raison des interactions sociales, loin de là ! Si les apéros Skype et les lives en tout genre fleurissent sur le net, l’univers du gaming, lui, tisse à sa manière le lien humain malgré la quarantaine.
Fustigeant la pratique du jeu vidéo d’habitude, l’OMS fut d’ailleurs la première à recommander cette dernière via l’initiative #PlayApartTogether où divers acteurs de l’industrie (Blizzard, Twitch pour ne citer qu’eux) ont été sensibilisés pour diffuser des messages de prévention sur leurs divers jeux. “Jouer ensemble malgré la distance”. Certains gamers, comme non-gamers, ont toutefois pris la recommandation de l’organisation à la lettre en créant des espaces de socialisation au cœur de mondes virtuels.
Gamifier le réel
Ainsi, les jeux de type “sandboxes”, “open worlds” et “real-life simulators” – tous trois reproduisant des communautés sociales et des environnements vivants – connaissent un pic non anecdotique d’utilisation depuis le début du confinement. L’idée ? Pour continuer à interagir socialement, les joueurs, par le biais d’avatars virtuels, reproduisent leur quotidien dans ces micro-univers afin de s’extirper, un temps, de leur routine confinée.
https://twitter.com/Habbo/status/1247902284169674757
Habbo Hotel, qui connut une première vie dans les années 2000 avant de tomber dans l’oubli, a vu son trafic tripler depuis le 25 février. Connu pour son aspect “vintage”, le jeu en ligne finlandais permet, entre autres, d’organiser des “virtual parties” privées entre utilisateurs. Sans surprise, les confinés en sont friands… Même chose pour les MMOPRG Wakfu et Dofus (+100% d’utilisateurs), mais aussi pour Second Life qui, malgré son ancienneté, a enregistré une augmentation de 133% de son nombre d’inscriptions entre le 8 et le 15 mars. Plébiscité pour sa liberté de jeu, où les usagers peuvent créer et explorer comme bon leur semble, le jeu donnerait « l’impression de sortir du confinement » selon un article paru dans Le Monde. Sur Roblox, un autre jeu de création multijoueur, quelques enfants organisent même leur fête d’anniversaire…
https://twitter.com/InsideRoblox/status/1243598069297369088
Sorti le 20 mars dernier en France, Animal Crossing : New Horizons est, lui aussi, devenu un des refuges du Covid-19. Sorti sur Nintendo Switch, le jeu largue ses usagers sur une île déserte (personnalisable à souhait) où ces derniers sont libres de s’exprimer, de créer, de pêcher, de décorer ou de flâner au rythme qui leur convient. En quelques jours, les joueurs ont promptement détourné le concept initial pour y digitaliser des activités devenues “no quarantine-friendly” : quelques twittos y ont organisé une manifestation Gilets Jaunes (comme certains militants hongkongais) tandis qu’un couple de fiancés s’y sont dit oui suite à l’annulation de leur mariage…
Un outil pédagogique et immersif…
Même s’ils ont dû fermer à cause des mesures sanitaires, les musées et institutions n’ont pas hésité à inclure Animal Crossing : New Horizons dans leur communication Covid-19. Le 8 avril, le Muséum d’histoire naturelle d’Angers ouvrit les portes de son île et de ses collections virtuelles pour une visite guidée animée par un des médiateurs de l’établissement.
https://twitter.com/Museum_Angers/status/1247935643201810432
En parallèle, le MERL (Museum of English Rural Life) a demandé à sa communauté Twitter de créer sur Animal Crossing : New Horizons des motifs d’habits ruraux pour être exposés, plus tard, sur l’île du community manager de l’institution. Plus insolite encore, @sawdustbear a réimaginé, à partir du même jeu, des œuvres d’art et installations contemporaines, tandis que des cinéphiles ont reproduit des scènes de longs-métrages récents (Midsommar et Portrait of a Lady on Fire pour ne citer qu’eux).
https://twitter.com/sawdustbear/status/1244813882364801025
À des fins plus pédagogiques cette fois-ci, Minecraft a, lui aussi, été extrêmement sollicité depuis le début du confinement… Pour occuper les plus jeunes, le gouvernement polonais y a lancé un serveur où les écoliers sont encouragés à reproduire les monuments phares du pays. De l’autre côté du globe, des étudiants japonais, incapables de se déplacer pour leur cérémonie de diplôme, ont virtualisé l’évènement sur le jeu phénomène.
D’autres ont été plus ambitieux… Comme l’office du tourisme d’Albi qui a recréé la ville éponyme sur Minecraft, des étudiants de Sciences Po ont “cloné” leur campus dans le jeu. L’influenceur Hugo Décrypte (un ancien étudiant de l’école FIY) a visité la construction dans un live Twitch le week-end dernier où il répondait aux questions de sa communauté.
https://twitter.com/HugoTravers/status/1245385859890917376
Qu’est-ce qu’il faut en retenir ?
Une étude de Piwag de 2018 listait “l’immersion” et “l’échappatoire” comme deux des principaux motifs qui encourageaient les gamers à prendre leurs manettes. En temps de confinement, les mondes virtuels ne font que légitimer ces motivations. Car, en plus de contourner les mesures de “social distancing”, ces microcosmes offrent une parenthèse où liberté et créativité, normalement entravées dans un tel contexte, ne sont limitées que par l’imagination de ses joueurs… quitte à offrir un parfait pendant au réel !
Comme Reporters Sans Frontières avec leur opération “The Uncensored Library” sur Minecraft, infiltrer ces univers gamifiés permet aux marques d’étayer leur brand-utility tout en partant “physiquement” à la rencontre de leur public. De leur côté, les influenceurs interagissent déjà avec leurs communautés par le prisme du monde virtuel. @meganvlt comme @eliseheb visitent les îles de leurs abonnés sur Animal Crossing : New Horizons
https://www.youtube.com/watch?v=MJx9EJI_9pg